Souvent perçue comme un problème privé, la violence conjugale ne se limite pourtant pas à la sphère domestique, loin de s’arrêter une fois le seuil de la maison franchi. Malheureusement, lorsqu’elle hante la vie d’une personne, elle s’étend trop souvent jusqu’à son lieu de travail où, même là, ses conséquences peuvent être nombreuses.
Comme employeur, vous avez un rôle vital à jouer pour reconnaître, protéger et soutenir les employés victimes de violence conjugale !
Explorons vos différentes responsabilités en matière de prévention et de soutien, des pistes pour mieux comprendre et agir pour assurer la protection de vos employé(e)s devant faire face à ce drame sournois, ainsi que les gestes concrets que vous pouvez poser, au sein même de votre entreprise, et qui peuvent faire toute la différence.
La violence conjugale… de la maison au chantier
Les répercussions de la violence conjugale sur les victimes sont multiples. De l’anxiété à la baisse d’estime de soi, en passant par le manque de sommeil et les blessures physiques, pour ne nommer que ceux-là, les impacts peuvent être désastreux, se traduisant souvent au travail par des absences, une baisse de productivité et un risque accru d’accidents de travail.
Et lorsque cette violence s’invite et s’immisce sur les lieux de travail, elle peut prendre diverses formes, parfois subtiles, d’autres fois beaucoup moins, nécessitant la vigilance de chacun :
- harcèlement par téléphone, courriel ou message texte ;
- filature, surveillance ou harcèlement à proximité du lieu de travail ;
- intrusions de la personne violente sur les lieux de travail de la victime ;
- menaces verbales ou écrites de sa part à des collègues ou à l’employeur de la victime.
En 2014, l’étude pancanadienne “The Impact of Domestic Violence in the Workplace: Results From a Pan-Canadian Survey”, parue dans le Journal of Occupational and Environmental Medicine, révélait déjà que près d’une travailleuse sur trois avait déjà subi de la violence conjugale.
Et pour plus de la moitié de ces victimes, la violence s’était effectivement manifestée également au travail, des actions ayant, pour la grande majorité de ces femmes, affecté négativement leur rendement au travail.
Bien sûr, les conséquences de cette violence peuvent être graves, et ce, autant pour la victime que pour l’ensemble de vos employés, allant jusqu’à compromettre la sécurité sur vos chantiers, où la concentration et l’attention sont essentielles.
Bien connaître vos obligations pour une solidarité menant à l’action
Depuis le 6 octobre 2021, la Loi sur la santé et la sécurité du travail (LSST) oblige les employeurs québécois à prendre les mesures nécessaires pour protéger les travailleuses et travailleurs vivant une situation de violence physique ou psychologique au travail, incluant la violence conjugale, familiale ou à caractère sexuel.
Plus précisément, votre devoir d’employeur nécessite que vous preniez ces mesures lorsque vous savez, soupçonnez ou devriez “raisonnablement savoir” que le ou la travailleuse est exposé(e) à cette violence.
Votre obligation légale d’assurer la santé, la sécurité et l’intégrité physique et physiologique de vos employé(e)s implique désormais que vous jouiez un rôle de prévention des situations de violence conjugale, familiale ou à caractère sexuel sur tous vos lieux de travail, sur un chantier comme à distance, et que vous interveniez au besoin.
Fermer les yeux, ignorer les signes de violence conjugale dont vous avez été témoin ou informé ou ne pas agir face à une situation connue de violence pourrait maintenant constituer une violation de vos obligations légales et responsabilités envers les membres de votre personnel.
Alors, par où commencer ?
Reconnaître les signes de violence
Soutenir les personnes victimes de violence conjugale dans votre milieu de travail débute d’abord par savoir en reconnaître les signes. Ceux-ci incluent, sans toutefois s’y limiter :
- des blessures fréquentes ou des excuses incohérentes pour les expliquer ;
- des changements de comportement marqués ou soudains se manifestant par de l’anxiété ou de la peur ;
- une baisse soudaine de performance au travail ;
- des absences répétées ou des retards inexpliqués ;
- des communications fréquentes et intrusives sur le lieu de travail.
Et comme les collègues sont souvent les premiers à remarquer les signes de violence, faites en sorte que chacun des membres de votre équipe soit conscient d’être un allié précieux dont la contribution compte.
Invitez-les à être attentifs et solidaires sans pour autant forcer les confidences, à écouter sans jugement si un(e) employé(e) venait à se confier à eux, à encourager les victimes à demander de l’aide, à les guider vers les ressources à leur disposition au sein de l’entreprise et ailleurs et, en cas d’inquiétudes immédiates pour leur sécurité ou celle d’un(e) collègue, à signaler toute situation inquiétante et informer un supérieur en toute confidentialité.
Éliminer la violence psychologique et physique
Certains signes ne mentent pas ? Il est temps de prendre des mesures pour prévenir et protéger vos travailleuses et travailleurs victimes de violence conjugale.
Voici quelques pistes concrètes pour passer à l’action en tant qu’employeur :
1. Mettez en place une politique claire sur la violence conjugale et intégrez-la à vos politiques existantes de santé et sécurité au travail.
Cette politique doit également expliquer les mesures de soutien offertes par votre entreprise (par exemple, les congés spéciaux ou l’accompagnement vers des ressources externes), ainsi que les procédures nécessaires à la gestion des situations de violence conjugale.
2. Outillez vos équipes en organisant des séances de formation pour sensibiliser et informer vos employés sur la violence conjugale, incluant ses définitions, manifestations et conséquences, ainsi que sa reconnaissance et ses moyens de prévention.
Vos superviseurs, chefs d’équipe et gestionnaires doivent eux aussi savoir comment réagir adéquatement face à des situations délicates.
3. Offrez des ressources concrètes et du soutien à vos employé(e)s tout en facilitant concrètement l’accès à ceux-ci.
On peut penser à l’accès aux services professionnels d’un programme d’aide aux employés et à l’affichage à différents endroits accessibles des informations sur les ressources locales (lignes d’écoute, maisons d’hébergement, centres de femmes, centres d’aide aux victimes d’actes criminels et autres organismes de soutien), notamment.
4. Soyez prêt ! Aménagez des mesures de protection concrètes qui pourront définitivement être utiles et appliquées en cas de besoin.
Si la sécurité d’un(e) employé(e) est menacée, le fait d’avoir déjà prévu des ajustements comme des modifications aux horaires de travail, une surveillance accrue sur le chantier ou l’intervention des autorités, si nécessaire, peut faire une réelle différence.
5. Instaurez un climat de confiance et favorisez le dialogue pour créer un milieu où vos employés se sentent en sécurité pour parler de leurs préoccupations.
Pour une personne en détresse, une telle sécurité est vitale. Comme les victimes peuvent nier ou minimiser leur situation par crainte de représailles ou à cause de la honte qu’elles peuvent ressentir, il est essentiel de créer un climat d’écoute, d’empathie et de confiance.
Vous pourriez même identifier et nommer à l’interne une personne qui agira comme répondant pour vos travailleuses et travailleurs victimes de violence conjugale souhaitant se confier.
Veillez également à faire preuve de tact et de sensibilité dans vos interventions.
Briser le cycle de la violence : une responsabilité collective
C’est en travaillant solidairement à transformer chaque environnement de travail en milieu exemplaire en matière de prévention et de soutien aux victimes de violence conjugale que les choses pourront véritablement changer.
En tant qu’employeur, tout comme vos employé(e)s, vous possédez un rôle déterminant dans la création d’espace de travail où chaque individu peut évoluer sans craindre pour sa sécurité.
Ensemble, endossons ce rôle complexe, il est vrai, mais essentiel et crucial pour que la violence conjugale ne soit plus un sujet tabou et que nos environnements de travail soient sécuritaires pour tous !
Ressources utiles :
Ligne d’urgence violence conjugale : 1 800 363-9010
L’organisme SOS violence conjugale a pour mission de contribuer à la sécurité des victimes de violence conjugale et à la réduction de la violence conjugale et de ses conséquences en offrant des services aux victimes, à la population et à toutes les personnes touchées par la violence conjugale : https://sosviolenceconjugale.ca/fr
